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Digital Transformation

S’inspirer de la Silicon Valley pour réinventer l’adoption de l’IA : une comparaison France / États-Unis

September 9, 2025

Ces dernières années, l’essor de l’IA générative a profondément transformé – et continue de transformer – notre façon de penser la productivité, l’apprentissage et l’avenir du travail. Tandis que certains pays comme les États-Unis, l’Inde, la Chine ou encore les Émirats arabes unis semblent adopter cette vague avec rapidité et ambition, d’autres s’interrogent : avançons-nous assez vite pour rester compétitifs ?

Cet article s’appuie sur l’analyse de Salime Nassur, publiée sur BFM Business pour proposer une réflexion à partir d’une comparaison France–États-Unis. Mais au-delà de ce prisme, les enjeux évoqués concernent toutes les entreprises, quel que soit leur pays: tirer parti de l’IA ne devrait pas relever de la crainte ou de la contrainte, mais passer par la sensibilisation, la formation et l’autonomisation.

La France est elle en retard ? La vraie question est ailleurs.

Comme le rappelle Gregory Renard, pionnier de l’IA ayant travaillé en France et dans la Silicon Valley, il ne s’agit pas tant de mesurer un retard que d’évaluer à quelle vitesse la France est prête à adopter et intégrer ces outils dans le quotidien professionnel. L’enjeu n’est pas uniquement technologique: il touche à la capacité des organisations et des individus à expérimenter, s’approprier et tirer pleinement parti de l’IA.

En un an, l’usage de l’IA générative par les TPE et PME françaises a doublé, un signal encourageant. Pourtant, selon la BPI, seuls 3 % des dirigeants en font un usage régulier et 12 % un usage occasionnel. Cet écart révèle que la curiosité est bien présente, mais que le passage à l’action reste encore limité.

Nous évoluons par ailleurs dans ce que Salime Nassur décrit comme un monde VUCA: Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu. Dans un tel environnement, le progrès linéaire ne suffit plus. Il ne s’agit plus seulement d’avancer, mais d’accélérer la cadence et de développer la capacité à s’adapter rapidement, pour que l’IA devienne un véritable levier de résilience et de compétitivité.

Le principal frein à l’adoption de l’IA ? L’humain.

Contrairement aux idées reçues, les obstacles majeurs ne viennent ni de la technologie, ni du financement, ni même de la réglementation. Ils viennent de nous: de nos peurs, de nos habitudes, et d’un manque de compréhension concrète de ce que l’IA peut apporter.
Comme l’observe Gregory Renard, expert en IA basé en Silicon Valley, ces réticences sont souvent plus liées à l’identité qu’à la technique, et reposent sur trois craintes récurrentes : être remplacé, ne pas comprendre et perdre sa place ou son statut. Beaucoup de salariés n’ont pas encore eu l’occasion d’expérimenter l’IA dans leur travail et peinent donc à se projeter dans les bénéfices qu’elle pourrait leur apporter. Les principaux obstacles identifiés sont :

  • Manque de formations claires et opérationnelles
  • Méconnaissance de ce qu’est réellement l’IA
  • Crainte de perdre le contrôle ou d’être « dépassé »
  • Absence d’un cadre structuré pour expérimenter

En résumé, il ne s’agit pas seulement d’apprendre aux machines à apprendre. Il faut aussi apprendre aux humains à désapprendre certains processus devenus obsolètes, à réapprendre de nouvelles pratiques et à évoluer avec des méthodes adaptées à un environnement où l’IA devient un partenaire de travail à part entière.

Ce que la France peut apprendre de la Silicon Valley

Aux États-Unis, et particulièrement dans la Silicon Valley, l’IA est vue comme un levier, et non comme une menace. La culture locale valorise :

  • Le test & learn: essayer, échouer vite, ajuster
  • Le micro-apprentissage continu: se former en permanence
  • L’innovation décentralisée: avancer par petites victoires plutôt que d’attendre un grand bouleversement

On y privilégie la devise « fait vaut mieux que parfait ». Et si cela ne fonctionne pas ? On ajuste, on apprend et on continue. En France, le perfectionnisme, l’aversion au risque et les cycles de décision longs freinent encore l’expérimentation. Favoriser l’évolution passe par un changement culturel progressif, qui dépasse largement le cadre des services techniques.

Passer à l’action : une feuille de route concrète


Gregory Renard propose aujourd’hui cinq leviers pour passer de l’hésitation à l’action:

1. Sensibiliser et changer les mentalités: Expliquer ce qu’est (et n’est pas) l’IA générative. Organiser des ateliers, montrer des démonstrations concrètes, partager des retours d’expérience. “Si vous ne le vivez pas, vous ne le comprenez pas. Cela reste du divertissement, et non pas une opportunité.”

2. Installer une culture d’apprentissage continu: Ne pas se limiter à une formation unique. Mettre en place :

  • des modules courts de microlearning,
  • une veille régulière via newsletters,
  • des séances d’expérimentation,
  • du partage de connaissances entre pairs.

3. Commencer par appliquer l’IA à des tâches simples et répétitives, Identifier les “quick wins”:

  • rédaction de rapports,
  • préparation d’e-mails,
  • comptes rendus de réunions,
  • gestion d’agendas.

4. Favoriser la collaboration humain–IA: L’IA doit augmenter l’humain, et non pas le remplacer. Elle libère du temps pour l’intuition, la créativité et la relation client, tout en gérant le répétitif.  Cette complémentarité permet de tirer parti des forces respectives : la rapidité et la puissance analytique de l’IA d’un côté, la compréhension fine des contextes, la sensibilité et le jugement humain de l’autre.

5. Repenser les processus, pas seulement ajouter des outils: Introduire l’IA ne consiste pas simplement à “brancher” un nouvel outil sur des méthodes existantes. C’est souvent l’occasion de remettre en question l’utilité même de certaines tâches : faut-il toujours les réaliser ? Peuvent-elles être simplifiées ou repensées pour gagner en efficacité ? L’IA ouvre aussi la voie à des approches radicalement nouvelles, automatisation intelligente, anticipation des besoins, personnalisation à grande échelle, qui permettent non seulement d’améliorer la performance, mais aussi de repenser en profondeur la manière de travailler.


Conclusion : devenir des talents augmentés

L’avenir du travail à l’ère de l’IA générative ne dépendra pas de ceux qui vont le plus vite, mais de ceux qui avancent le plus intelligemment. La France n’est pas condamnée à rester en retrait: il s’agit de changer de rythme. L’adoption de l’IA est d’abord un mouvement humain : ouverture d’esprit, envie d’expérimenter, apprentissage continu.

Comme le disait Alvin Toffler, cité dans “Talents Augmentés”:

“Les analphabètes du XXIe siècle ne seront pas ceux qui ne savent pas lire ou écrire, mais ceux qui ne savent pas apprendre, désapprendre et réapprendre.”


La prise de conscience doit se vivre, et pas seulement se transmettre. C’est pourquoi les learning expeditions, comme celles menées par RealChange en Silicon Valley, sont précieuses : elles permettent de voir, tester et ressentir ce que l’IA peut réellement apporter, transformant la crainte en clarté et en confiance.

En cultivant la curiosité, l’humilité et l’envie d’apprendre, nous pouvons transformer cette période d’incertitude en véritable opportunité. L’objectif n’est pas d’être le plus rapide ni le plus spectaculaire, mais le plus adaptable, le plus conscient… et le plus humain.


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